Dr. Jacques Antille
PhysicienCher lecteur,
Je me permets de porter à votre connaissance des faits nouveaux concernant le projet de construction de ligne à très haute tension reliant Chamoson à Chippis. Voici d’abord un mot sur mon parcours, mes motivations pour vous faire comprendre ma démarche
A propos de moi
Physicien, j’ai travaillé à l’UNIL et au CERN, puis ai collaboré durant 20 ans avec l’EPFL en parallèle de ma carrière au sein de feu Alusuisse. J’ai développé en collaboration avec de grandes pointures de l’EPFL (Prof. J. Rappaz, J.Descloux, M.Romerio, etc) des logiciels permettant de tenir compte des effets électromagnétiques et thermiques dans les cuves pour la production de l’aluminium. Ces phénomènes électromagnétiques sont décrits par des équations dites de Maxwell et sont résolus par des techniques d’analyse numérique (FEM). Je possède tous les éléments techniques pour aborder et calculer l’impact d’une ligne aérienne ou souterraine. Pendant ma carrière, où j’ai participé à la construction de nouvelles usines pour la production d’aluminium, j’ai proposé différentes variantes optimisées des conducteurs qui amènent le courant dans les cuves. Ainsi les décideurs, sur la base de mes indicateurs techniques reflétant une variante pouvaient prendre les décisions sur celle à implémenter. Je suis donc familier de cette démarche.
Suite à une séance d’information publique qui a eu lieu à Grône le 13 décembre 2018, séance durant laquelle l’émotionnel ne laissait plus guère de place à la pensée rationnelle, j’ai souhaité obtenir l’analyse comparative détaillée entre la solution aérienne et enterrée de la ligne. Je me suis investi pendant plus d’une année pour calculer et comparer une liaison aérienne et enfouie. Ce que vous allez découvrir dépasse le bon sens. Personne ne s’est donné les moyens de faire une étude sérieuse concernant l’enfouissement de la ligne.
2017: une décision prise sur un rapport erroné
Nous sommes en 2016, une pétition signée par 18’000 citoyens valaisans (dont je fais partie) est adressée au conseiller d’Etat Jacques Melly pour faire une étude d’enfouissement de la ligne. Swissgrid propose un microtunnel blindé placé dans les rives du Rhône dans le cadre de la R3, avec un recouvrement de 2 mètres. Le blindage a pour but de confiner l’induction magnétique et ainsi d’assurer une valeur inférieur ou égale à 1 microtesla sur les rives qui sont considérées comme sensibles. J’ai lu le rapport en question ( R3-THT Synergies 08.11.2016) et tout de suite j’ai eu de sérieuses suspicions. L’entreprise qui a réalisé les calculs s’appelle Schnyder AG. J’ai rencontré les ingénieurs de Schnyder AG en mars 2019 à Gampel, ils n’ont réalisé aucun calcul, n’utilisant que des abaques (graphique facilitant les calculs) sans chercher à résoudre les équations de Maxwell qui décrivent le système. Leurs prédictions sont fausses d’un facteur 10 ! J’ai rencontré des politiciens pour leur parler de cette problématique (par exemple Mme Céline Dessimoz, Christophe Clivaz, etc..), qui ne m’ont pas cru. Un collectif s’est constitué pour valoriser mes calculs et mandater une entreprise pour confirmer mes résultats. C’est chose faite et un rapport existe, que vous pouvez télécharger. Personne (ni l’Etat ni Swissgrid) ne s’est rendu compte que les calculs de Schnyder AG étaient erronés et nous pouvons nous interroger sur leur niveau technique. L’Etat a mandaté une seule entreprise, qui plus est inapte à tenir compte d’un blindage magnétique. Un rapport a été constitué par l’Etat et transmis à l’OFEN, qui stipulera en septembre 2017 la confirmation de la ligne aérienne. Ainsi, une décision a été prise sur un rapport erroné !
2019: proposition pour une variante optimisée
Après avoir réalisé mes propres calculs (cela m’a pris un an), je peux non seulement prouver que l’étude est erronée, mais qu’en plus une variante optimisée est tout à fait possible, sans que cela coûte 10 fois plus cher et surtout en respectant la valeur limite de l’induction magnétique à moins d’un μTesla (valeur qu’une ligne aérienne est elle-même incapable de respecter).
En mai 2019, j’ai réussi à obtenir une réunion chez Swissgrid à Prilly afin de leur présenter mes propres calculs. Je considère que mes travaux appartiennent à tout le monde puisque l’on est tous concerné par cette problématique. En mai, j’ai également fait des premières démarches pour obtenir une rencontre avec le conseiller d’État Roberto Schmidt, rencontre qui n’a jamais eu lieu. Depuis, j’ai fait parvenir la présentation de mes calculs ainsi que mes conclusions à ses services via Paul Henry Moix.
Les études que vous pouvez télécharger sur ce site vous apprendront que :
- Un pylône est un objet magnétique qu’il est très difficile à optimiser, dans le sens d’avoir une induction magnétique la plus faible possible au niveau du sol. La raison est que la distance entre les phases est de 9 m. Pour une solution enfouie telle que je l’ai optimisée, cette distance est de 25 cm.
- L’induction magnétique due à la ligne aérienne, produit à 100 m de l’axe de la ligne une induction magnétique de l’ordre de 0,1 μTesla (par exemple à l’ancienne salle de gymnastique du cycle de Grône), soit le même ordre de grandeur qu’un micro tunnel optimisé avec 1 mètre de couverture au niveau du sol. Il y a donc un facteur 100. Au niveau de l’encombrement, un micro tunnel est 30 fois plus petit.
- Le coût de la réalisation de l’enfouissement de la ligne sur 27 km est estimé à 148,5 Mio SFR soit 48,5% de plus que la liaison aérienne. Il n’y a pas un facteur dix comme énoncé par Swissgrid.
- L’économie des pertes électriques pour la solution enfouie, en supposant une charge de 50% de la capacité, estimée sur une période de 40 ans, en supposant le prix du KWH à 10 centimes, vaut 42 Mio SFR.
- La méthodologie que j’ai appliquée est très différente de l’approche de Swissgrid. Pour ce dernier, on se donne une solution au départ, style cathédrale que l’on peut réaliser uniquement à l’aide d’un tunnelier. Dans mon cas, j’optimise la position des conducteurs et ensuite je regarde l’implémentation. Il suffit de creuser une tranchée dont le coût est 16 fois plus faible que celui d’un tunnelier. Dans la variante proposée par Swissgrid associée à l’étude de 2016, on est passé de 10 μTesla à 0,2μTesla au niveau du sol, simplement en optimisant le système. On a réduit l’induction magnétique par un facteur cinquante, due à la position des conducteurs et un blindage magnétique approprié de 15 mm d’épaisseur.
2020: jamais trop tard pour se bouger
Je suis bien sûr attaché à mon canton, mais je suis encore plus attaché à l’honnêteté intellectuelle et à la recherche de la vérité. Je souhaite que le grand public puisse savoir que le canton a fait preuve de légèreté en ne demandant qu’une seule étude, qui plus est erronée, étude sur laquelle s’est basée une décision de justice qui va changer à jamais le visage de notre canton. Il est clair pour moi que l’étude sur l’enfouissement de la ligne a été négligée.
En 2020, notre canton a la science, l’intelligence et les moyens technologiques pour enfouir cette ligne, mais il n’y a pas la volonté politique. Mais qu’attend-on pour bouger disait Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie. On ne s’intéresse pas au paysage, à la beauté de notre canton, à ce que penseront nos petits-enfants de nos décisions et de notre laisser faire d’aujourd’hui. Mais il n’est jamais trop tard pour se bouger, alors, qu’attendez-vous?
Jacques Antille